Le harcèlement moral est une notion du droit du travail qui englobe des réalités plurielles tant les faits et les situations peuvent diverger d’un cas à l’autre. L’article L. 1152-1 du code du travail, qui dispose qu’ « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral  qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » pose un cadre définitionnel aux contours flous et laisse un très large champ d’interprétation.

Pour appréhender plus finement la notion de harcèlement moral et disposer des bons outils juridiques permettant mieux cerner les contours de cette définition, on peut tenter d’en examiner les termes en détail.

Dans un premier temps, revenons sur l’étonnante formulation de l’article L. 1152-1. Si la phrase principale semble très claire (l’importance du caractère répétitif des agissements), la subordonnée l’est beaucoup moins. La formule  « les agissements qui ont pour objet et pour effet » employée par le législateur amène à une contradiction conceptuelle : tandis que le harcèlement moral renvoie à un acte conscient et animé par une intention malveillante, la tournure du législateur laisse entendre que les agissements peuvent être involontaires, n’étant que la cause inconsciente des effets décrits. On peut commettre une faute sans que le caractère intentionnel de la faute soit établi. Ensuite, il est intéressant de se pencher sur le reste de la phrase. Que signifie « porter atteinte à sa dignité » ou « compromettre son avenir professionnel » ? Ce sont deux expressions qui autorisent une appréciation très souple des situations : hélas, ce qui se démontre difficilement, se réfute plus aisément.

D’abord, le harcèlement concerne qui ?

Dans le monde du travail, on associe souvent le harceleur à la figure de l’employeur qui abuse de ses pouvoirs. Et même si on connaît essentiellement ce type de harcèlement, il n’est pas le seul. Le harceleur peut aussi être un collègue de travail, un fournisseur d’une entreprise ou bien plusieurs employés agissant de conserve.

Quant aux « cibles »( les victimes), elles peuvent être aussi bien des employés que des supérieurs hiérarchiques harcelés soit par des collègues du niveau hiérarchique soit par des subordonnés.

Ensuite, on peut se demander quels sont les éléments qui constituent le harcèlement moral.

L’acte harceleur ne peut être isolé : s’il s’agit de harcèlement moral, les agissements s’inscrivent nécessairement dans la répétition. Le code du travail n’énonce aucune limite de temps dans le processus de harcèlement moral. La Cour de Cassation du 6 avril 2011 (n° 09–71170) a ainsi estimé que la durée de 17 jours de dénigrements, blâmes, mise au placard était suffisante pour caractériser le harcèlement moral.

Cette répétition des actes entraîne alors une « dégradation des conditions de travail » selon l’article L. 1152-1 ; nonobstant cette disposition, Dalloz rappelle dans son analyse du harcèlement moral que la notion « condition de travail » « ne fait l’objet d’aucune définition légale ». Il faudra donc se référer aux termes du Conseil économique et sociale qui en donne l’acception suivante : « ce qu’attend un travailleur dans son entreprise ou son service : le respect de sa personne, la considération du travail qu’il accomplit, des conditions matérielles de travail adaptées à sa fonction et conformes à son statut ». On remarque ici le sous-entendu explicite. Les conditions de travail dépendent d’une qualité de vie au travail que l’employeur se doit de respecter vis-à-vis de ses salariés.

La dégradation des conditions de travail se double dans la définition légale du harcèlement moral de ses conséquences. Celles-ci peuvent porter atteinte à la dignité de la personne, à sa santé physique ou mentale ou bien encore à son avenir professionnel.

Atteinte à la dignité :

C’est une question très délicate. Elle fait effectivement appel à une notion difficile à définir en raison de son abstraction et de sa subjectivité. En réalité, la jurisprudence a montré à plusieurs reprises que l’atteinte à la dignité se traduisait par une violation des droits du travailleur. Les mesures vexatoires, les humiliations en public, les mises à l’écart … en sont des exemples.

Atteinte à la santé :

Omniprésente dans la jurisprudence qui a trait au harcèlement moral. L’altération de la santé (physique et/ou mentale) ne constitue pas à elle seule une preuve d’agissements harcelants. Cependant, elle peut être un élément constitutif du harcèlement (avec certificat médical à l’appui etc.)

Compromettre l’avenir professionnel :

Conséquence moins appréciée par les juges pour caractériser le harcèlement. Elle sert plutôt à calculer le préjudice subi par la « cible » du harceleur.

Comment prouver le harcèlement moral devant les juges ?

C’est le salarié harcelé qui doit apporter les preuves susceptibles de caractériser un harcèlement moral. Ces preuves doivent être tangibles, écrites et loyales (certificat médical, témoignages, mails, papiers etc) . Il y a alors « présomption simple ». C’est à l’employeur de renverser les preuves et de montrer qu’elles ne sont pas l’expression d’un processus de harcèlement moral, attentatoire à la dignité du salarié.

Le salarié victime de harcèlement moral peut saisir les prud’hommes (pour un fonctionnaire : le tribunal administratif) et le juge pénal. Le salarié a 5 ans à compter du dernier fait de harcèlement pour saisir les prud’hommes. 6 ans pour le juge pénal.

https://www.justifit.fr/b/guides/droit-travail/le-harcelement-moral-au-travail/

Harcèlement moral, Répertoire de droit du travail, Patrice ADAM, octobre 2019.